L’Année poétique 2009 : beaucoup de « mots », peu d’émotions


L'année poétique 2009, anthologie, éd. Seghers

L’Année poétique, cru 2009 : on y trouve un peu trop de poésie avec un grand P, avec son lot d’images classiques ou classiquement surréalistes. A vue de nez de lecteur, entre un quart et un tiers des textes comportent le mot « mots » dans le premier ou le second vers. Cette façon qu’ont les poètes de se regarder le nombril…

Comme son nom l’indique, L’Année poétique est  une anthologie annuelle de poésie d’expression française, dont la parution aux éditions Seghers, interrompue dans les années 70, a repris depuis quatre ans. A la sélection de poèmes qui forme l’anthologie proprement dite s’ajoute un dossier assez complet qui recense les éditeurs, revues, sites web, etc., qui forment le paysage actuel de la poésie de langue française.

La cuvée 2009 rend un hommage particulier à la Belgique : un dossier spécial lui est consacré, ainsi qu’un bandeau proclamant « Un poète français sur deux est Belge ». Sympathique de mettre en avant la production d’un pays, mais le concept de nationalité appliqué à une production artistique peut laisser dubitatif…

Quoiqu’il en soit, ce recueil contient tout de même quelques auteurs intéressants (Belges et non-Belges). Signalons notamment :

Emmanuel Brouillard, « casté » deux années de suite (2008 et 2009) pour son recueil Trois claques à Balzac. De petits aphorismes anachroniques et légers, en cinq vers, sur quelques-uns des textes de nos grands auteurs classiques, classés par année de parution (1920 : La Métamorphose, 1871 : Les Fêtes galantes, etc.).

Jean-Luc Caizergues, qui fait preuve de beaucoup d’humour noir dans son recueil Mon suicide, sorte de manuel/bestiaire de l’acte : les doigts dans la prise, la tête dans l’étau, etc.

Jehan Van Langhenhoven propose un beau poème post-surréaliste, noir et violent, avec  de vraies tranches d’actu critique dedans.

Jan Baetens, découverte enthousiasmante. De lui, un poème assez savoureux sur un médecin qu’on imagine de province (voire de campagne), qui s’emmerde à mourir dans son job, et trouve un soulagement existentiel temporaire à la lecture d’un article sur « Pamela », dans un magazine people qui traîne là dans sa salle d’attente, le matin avant d’ouvrir boutique.

Enfin, de Vincent Tholomé, un très bon texte en vers tout simples (quasiment en prose), qui épuise la logique des sondages d’opinion en déclinant une typologie farfelue :

« et en général,

ceux qui lisent les sondages

(…)

ils demandent,

devant tout le monde,

si vous faites partie de la norme : »

Suit une jolie litanie où l’on étudie lesdits types détaillés et leurs usages et attitudes, dont, par exemple :

« les belges, femmes belges, mariées, concubines, s’étonnent des belges, hommes belges, mariés, concubins, vifs avant mariage ou concubinage, ternes maintenant, mais si attentifs aux enfants »

…ainsi qu’une quinzaine d’autres, tous drôles et bien croqués.

C’est méritoire de publier, de nos jours, un ouvrage uniquement consacré à la poésie, avec un dossier bien documenté. Mais c’est dommage que la ligne éditoriale aborde cette pratique sous un angle un brin cliché, voire franchement kitsch. Témoin cet élan lyrique qui fait vibrer les premières lignes de l’avant-propos : « le capitalisme et la crise qui l’escorte n’ont pas totalement dévasté notre royaume ». Mouais…

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7 réponses à “L’Année poétique 2009 : beaucoup de « mots », peu d’émotions”

  1. Tu trouveras le bouquin dans toutes les bonnes librairies (y compris les plus industrielles, je crois me rappeler avoir acheté le mien au Virgin Megastore des Champs !)

  2. dur dur d’être critique surtout que l’Homme change à tout âge
    les goûts et les couleurs ne se discutent pas car ils sont universels.
    reste qu’une bonne publicité est rendue et comme je n’ai pas été retenu sur cette anthologie, je t’invite à lire quelques poèmes sur mon blog et autres sites;
    je viens de publier le second recueil et le marché de distribution est faible pour les petits éditeurs.
    cordialement
    Nicolas Chevalier

  3. Bonjour Nicolas, merci pour cette invitation – mais sans adresse, difficile de retrouver le blog ou l’éditeur…
    Je pense au contraire que goûts et couleurs se discutent, précisément car ils sont universels : s’ils ne l’étaient pas, on ne pourrait pas se mettre d’accord et ça ne servirait à rien d’essayer, tandis que là, ça vaut la peine d’argumenter. Mais ma critique va au-delà de la critique de goût : je trouve dommage d’enfermer la poésie dans des clichés alors qu’il est si difficile de la faire vivre. Ce qui n’empêche pas que l’initiative des éditions Seghers soit méritoire, et qu’on trouve chaque année un petit nombre de très bons auteurs dans leurs anthologies.

  4. oui discuter est nécessaire et même des goûts et des couleurs mais se retrouver d’accord sur ces sujets s’est s’enfermer sur des modes et tendances similaires et j’aime trop l’indépendance de mouvement et d’esprit pour me laisser distraire apr des discussions stériles.
    j’aime cependant ton style sympathique de répondre doucement et j’espère ne pas être trop agressive.
    voici mes contacts littéraires
    http://WWW.riveopposee.wordpress.com, pour l’instant un seul poème car je débute mais avec mon nom Nicolas Chevalier Bahuaud tu peux tomber sur d’autres textes ailleurs. sinon en vente sur amazone mon premier recueil les mots basculés et bien sûr le portable 0616260999.
    j’aime beaucoup notre style de discussion qui va au-delà des goûts et des couleurs. je regrette toujours de ne pas avoir poussé plus loin les études de philosophie par exemple car notr propos tiendrait de cette pensée.
    c’est ma faute pour l’anthologie Séghers de ne pas être dedans car je n’ai rien publié en 2008 ce qui n’est plus le cas en 2009. alors patience.

  5. trop de temps sans discuter et revenir au hasard sur ce site. que deviens tu dans la critique des goûts et des couleurs et peux tu me dire si finalement tu continues la discussion sur les goûts et les couleurs.
    je reste poète indépendant et j’ai fini par créer ma maison d’édition car exister c’est bouger et attendre c’est mourir de désespoir.
    j’espète t’avoir laissé quelque souvenir d’échanges et revenir alors à la discussion véritable avec toi . cordialement nicolas

  6. @nicolas chevalier bahuaud : bonjour et bienvenue à nouveau sur Morningmeeting ! Je poursuis mes investigations profanes dans ce monde fascinant et compliqué qu’est l’art contemporain, avec une définition toujours aussi élastique – pratiques, acteurs, périodes… Morningmeeting saute du coq à l’âne et ne suit que mon bon plaisir 🙂
    J’essaie de développer la série d’entretiens Artmeeting, accessible ici sur ce blog. J’envisage aussi de retravailler la maquette du blog pour plus de professionnalisme et de lisibilité.
    Merci pour la visite et bon courage pour l’édition en indépendant,
    Morningmeeting

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