Grave question. L’un (Iggy Pop) possède un pedigree de parrain du punk sans faille. L’autre (Michel Houellebecq) est à la fois un auteur au succès colossal et l’un des écrivains les plus mal compris et les moins bien lus (à mon humble avis). Leur rencontre, à l’occasion de la parution du nouvel album d’Iggy (Préliminaires, inspiré de La possibilité d’une île de Houellebecq), devrait logiquement susciter l’intérêt, voire même l’enthousiasme, et pourtant…
D’Iggy Pop, on peut regretter sa mutation de phénomène proto-punk, puis glam et décadent, à « fashion freak » bronzé et bodybuildé, posant pour Zadig & Voltaire ou tournant des pubs pour SFR (marrante, au demeurant). Je ne suis pas du genre à reprocher à un artiste d’avoir du succès, mais je trouve quand même ses derniers albums plus faibles que ce qu’il a pu produire à une époque, ou que sa légendaire tirade télévisée sur le punk rock (reproduite sur le bien nommé « Punk Rock », premier titre de l’album Come On Die Young de Mogwai).
De Michel Houellebecq, je dirais que c’est un bon essayiste, qui a le don de s’attaquer à des sujets pertinents, avec un angle neuf, convaincu et souvent convaincant. C’est un poète très correct également. Et, finalement, c’est un romancier inégal, dans la mesure où la forme poétique ou l’essai lui conviennent mieux. Mais l’époque dicte la forme roman, et Houellebecq, auteur rusé, sait parfaitement jouer avec le milieu littéraire, les critiques et les lecteurs… sans toujours éviter les retours de flamme. La possibilité d’une île est à mon avis l’un de ses tout meilleurs romans, mais d’énièmes polémiques et un film qu’on dit raté l’ont plutôt desservi.
Et l’album, dans tout ça ? Il sort le 18 mai. Vous n’échapperez pas au plan marketing, forcément taillé sur mesure pour la France : trailer sur YouTube, couv’ du Technikart du mois de mai, pochette dessinée par Marjane Satrapi (voir ci-dessus), passage d’Iggy et de Michel chez Emma de Caunes le 27 avril pour un show bizarre et un peu bancal (lui offrant tout de même un record d’audience)… A l’écoute, l’album est farci de ballades, de sonorités jazzy, de spoken words, à des années-lumières de ces guitares « qu’à un moment donné, (Iggy) en avait marre d’entendre » ainsi que « toute cette musique de merde » (il parle pas de lui, là, quand même ?). Un concept « zazou » et jazzy, à mi-chemin entre La Nouvelle-Orléans et Saint-Germain-des-Prés…
Alors, coup de génie artistique désinvolte et post-tout (post-rock, post-post-moderne, post-post-post-punk…) ou répétition, sur le plan musical, du bide littéraire fait en octobre dernier par Ennemis publics, l’autre improbable duo Houellebecq-BHL ? Verdict mi-mai.
4 réponses à “Faut-il sauver les soldats Iggy Pop et Michel Houellebecq ?”
N’oublions pas (mais on l’avait déjà oubliée) la reformation des Stooges avec « The Weirdness », album que pour le coup je suis sûr d’avoir écouté, mais bon là pour le coup bien oublié…
Bonjour.
Je viens de decouvrir un excellent auteur français ( je desesperais devant un panorama franchement pauvre ) qui a le nom de Benjamin Biolay. J’ai tous ces albums et vraiment c’est complet. Je pensais que la pop française etait completement rendue aux conneries anglo saxoniques que l’on nous impose ( sauf le GRAND Renaud et d’autres classiques ). Mais decouvrir ce Benjamin ( Home, Rose Kennedy, Trash Ye ye, Negatif, A l’origine ) c’est croire à nouveau, à la culture française.
Yop!
Je ne connais pas bien Houellebecq et d’après ce que tu dis faudrait changer ça!
Par contre Iggy ça c’est du lourd! J’ai regardé plusieurs interviews de lui sur Youtube et quelques articles et c’est vraiment une personnalité. Du charisme, une aisance orale et un vocabulaire à part, et des idées tellement stylées :p
As tu remarqué que « I wanna be your dog » est utilisé dans au moins une dizaine de films tous les ans?
@elrringpeace : Iggy est une icône. C’est peut-être ce statut mythique qui lui permet d’être partout sans totalement perdre son âme. Comme beaucoup de créatures surnaturelles, il a le don d’ubiquité… d’ailleurs la pub SFR jouait là-dessus (volontairement ou non).
Blague à part, beaucoup de collaborations d’Iggy avec le cinéma restent comme de grands moments : son rôle dans Dead Man Walking de Jim Jarmusch, ses chansons « In the Death Car » (B.O. d’Arizona Dream) et « Lust for Life » (Trainspotting), etc.