Voici un musée entièrement dédié aux artistes américains modernes (plus de 19 000 œuvres produites du début du XXème siècle à nos jours). Les collections permanentes ont à mon avis un intérêt historique essentiellement. On y voit les premières œuvres conçues de l’autre côté de l’Atlantique et ayant pour ambition de « rivaliser » avec celles produites en Europe.
On y suit aussi la naissance et le développement d’une des toutes premières collections privées d’envergure aux États-Unis, entreprise dans l’entre-deux-guerres par Gertrude Vanderbilt Whitney, sculptrice et mécène incontournable. Cela dit, la puissance artistique et esthétique des œuvres n’est pas toujours au rendez-vous.
L’exposition temporaire Lyonel Feininger: At the Edge of the World est d’une toute autre trempe. L’occasion de découvrir cet artiste, né à New-York, d’origine allemande, et ayant fait plusieurs allers-retours entre son pays natal et l’Allemagne, poussé par les circonstances politiques (avènement du IIIème Reich et persécution des artistes modernes…).
Rattaché au mouvement du Bauhaus et des Expressionnistes allemands, Lyonel Feininger, également dessinateur et caricaturiste de presse, conçoit des œuvres vraiment bluffantes. La patte à la fois médiévale et cubiste de tableaux comme Carnival in Arcueil (1911) ou A Village Near Paris (Street in Paris) (1909) est tout simplement confondante.
Tout comme sa mise en scène d’un monde miniature, fait de modèles réduits en bois peint (Figures and Houses). Un vrai témoignage d’un monde à la fois moderne et tout de même empli de mystères, à la frontière de l’enfance, du rêve, et de la réalité matérielle d’un XXème siècle industriel et besogneux.
Sa période « cubiste analytique », en revanche, convainc moins.
En cours également depuis le 16 décembre 2010, Singular Visions. Ici, des artistes contemporains exposent leur « vision singulière ».
Je retiens Sepulcher (Viking Burial Ship) (2004), de Matthew Day Jackson. L’artiste y met en scène une sorte d’adieu à l’adolescence : ce « bateau funéraire viking » contient une tenue de viking fantaisie (du genre de celles portées par les musiciens de Black Metal), les voiles sont faites de T-shirts rock, etc.
A voir également, 1st Light (2005) de Paul Chan. Une vidéo projetée au sol, mettant en scène une sorte d’aspiration géante d’une ville : débris, wagons, scooters, téléphones portables, silhouettes humaines, etc. traversent l’écran de bas en haut, comme aspirés par une force irrésistible.
Une formidable évocation poétique des forces de destruction à l’oeuvre dans nos sociétés contemporaines, traitée en ombres chinoises, rappelant l’âge d’or du cinéma noir et blanc muet. L’oeuvre, exposée à Beaubourg en 2008, est encore visible sur le site du Centre Pompidou.
Exposition Lyonel Feininger: At the Edge of the World : Whitney Museum of American Art, New-York, du 30 juin au 16 octobre 2011.
Exposition Singular Visions : Whitney Museum of American Art, New-York, depuis le 16 décembre 2010.
Information pratiques et renseignements sur le site du Whitney Museum of American Art.